Page:Ponson du Terrail - Le Bal des victimes.djvu/119

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La mère Brulé allait et venait par la cuisine, mettant tout en place.

Quelquefois, elle s’avançait vers le seuil, et jetait par la porte entrebâillée un regard au dehors.

Le chemin de Mailly-le-Château était désert.

Puis elle revenait vers l’âtre et soulevait le couvercle de l’immense marmite dans laquelle bouillait la soupe quotidienne, et elle la remuait avec la grande cuiller de bois accrochée sous le manteau de la cheminée.

Sulpice était assis en face de la marmite, de telle façon que, parfois, pour accomplir cette vulgaire opération de ménage, la mère Brulé s’appuyait sur l’épaule de son fils.

Sulpice avait posé sa main gauche sur son genou.

À un certain moment, quelque chose de chaud tomba sur sa main.

Le jeune homme tressaillit…

C’était une larme, — une larme échappée des yeux de sa mère et tombée brûlante sur lui.

Sans doute cette larme n’étonna point le paysan ; car il ne poussa pas un cri, et n’eut aucun geste insolite.

Il se contenta de passer ses deux bras au cou de sa mère, puis, l’attirant sur ses genoux, il l’embrassa avec respect, lui disant :

— Pauvre mère… vous y penserez donc toujours ?

— Toujours, répondit la mère Brulé, qui se prit à fondre en larmes. Est-ce qu’on peut oublier sa fille ?… Est-ce qu’ici tout ne me parle pas d’elle ? Tiens, mon pauvre fieu, voilà-t-y pas sa petite chaise, quand elle était enfant… et son verre, là, sur l’étagère… Ma pauvre Marie…

Ah ! mon Dieu ! continua la mère Brulé d’une voix en-