Page:Ponson du Terrail - Le Bal des victimes.djvu/123

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sœur allait tous les matins aux Roches, et que la demoiselle l’avait prise en amitié.

— Eh bien ! mon pauvre enfant, c’est de ce moment que date le malheur de notre fille.

— Comment cela, ma mère ?

— Elle s’est affolée de M. Henri.

— Oh ! mon Dieu !

— Tu penses bien que M. Henri ne l’a jamais su ni demoiselle de Vernières non plus. Mais ma pauvre fille s’est affolée qu’elle en pleurait nuit et jour, et qu’elle me dit même un soir : « Ô mère ! je sais bien que j’en mourrai ! »

Un jour j’osai dire la chose à ton père. D’abord il entra en fureur. Et puis il assit la petite sur ses genoux et lui dit :

« Tu es trop bête de pleurer comme ça, la petite. »

Et comme elle pleurait de plus belle, il ajouta :

« En place de me rougir les yeux, sais-tu ce que je ferais ? Je m’attiferais au dernier goût, je me ferais belle, je rirais pour faire voir mes petites quenottes blanches, et je regarderais ce grand nigaud de M. Henri à lui faire perdre la tête. Il n’a que vingt ans ; c’est le bon âge…

» Vois-tu, ajouta ton père, si j’étais jolie comme toi, je voudrais que M. Henri devînt fou de moi avant huit jours.

« Mais dit notre fille qui pleurait toujours, à quoi ça m’avancerait-il ? M. Henri est un noble et il est bien riche, rapport à nous ; est-ce qu’il voudrait m’épouser ?

Ton père cligna de l’œil :

« Minute ! dit-il, j’ai un bon fusil à deux coups, et voici