Page:Ponson du Terrail - Le Bal des victimes.djvu/125

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Sulpice courut vers le seuil et aperçut les deux jeunes gens, c’est-à-dire M. Henri et son ami le capitaine.

La mère Brulé étouffa un cri d’angoisse.

L’homme qui venait chez elle était la cause innocente du malheur de sa fille.

Le comte Henri, qui ne soupçonnait point qu’il avait, trois ans auparavant, amené le malheur sous ce toit, entra en souriant :

— Bonjour, mère Brulé, dit-il, voilà bien longtemps que nous ne nous sommes vus. Comment ça va-t-il ?

— Vous me faites bien de l’honneur, monsieur le comte… Et mademoiselle votre sœur, sans vous offenser, comment se porte-t-elle ? répondit la mère Brulé, qui passa son tablier sur ses yeux humides.

— Mais, Dieu me pardonne ! mère Brulé, dit Henri, on dirait que vous venez de pleurer.

— C’est vrai, monsieur Henri, répondit la pauvre mère qui domina son émotion. Mais c’est pas de chagrin, croyez-le bien… j’ai coupé de l’oignon…

Henri alla, sans façon, s’asseoir au coin du feu et invita, d’un geste, son ami le capitaine à en faire autant.

— Savez-vous ce qui nous amène, mère Brulé ? dit Henri.

— Le mauvais temps, peut-être, mes bons messieurs. Il fait un vent qui coupe la figure…

— Ce n’est pas cela. Nous venons réclamer notre bien. Où est votre mari ?

— Mon mari est parti, du matin, au marché de Mailly-le-Château, monsieur le comte.

— En êtes-vous bien sûre, mère Brulé ?