Page:Ponson du Terrail - Le Bal des victimes.djvu/135

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La mère Brulé à qui le vague danger que courait sa fille avait rendu une énergie sans égale, eut le courage de retourner dans le potager, d’y ramasser sa lanterne et de retourner chercher un second canard, car l’autre lui avait échappé.

Puis elle revint, sa lanterne éteinte, et elle fut assez maîtresse d’elle-même pour rentrer dans la cuisine calme et les yeux secs.

On s’était mis à table pendant son absence.

Une fille de la ferme trempait la soupe au lard.

La mère Brulé prit une écuelle, l’emplit de soupe et l’emporta.

— Où vas-tu donc, femme ? demanda maître Brulé en la voyant sortir son écuelle à la main.

— Je porte ça à une pauvre femme qui a passé par ici tout à l’heure ayant bien froid et bien faim, et qui m’a demandé à se réchauffer un peu dans l’étable aux vaches.

Le père Brulé tenait à justifier sa réputation de meilleur homme du monde.

— Tu as raison, femme, dit-il avec bonhomie, faut toujours faire le bien, quand on peut.

Et comme elle franchissait le pas de la porte, il ajouta :

Amène-la donc ici, cette pauvre femme, elle se chauffera au feu tout à son aise.

— Oh ! non, répondit la veuve Brulé, elle n’a pas voulu tout à l’heure… elle est honteuse.

Quand elle fut partie, le père Brulé regarda ses hôtes.

— Tenez, mes bons messieurs, dit-il, c’est tout de même bien dangereux de loger des vagabonds par le temps d’incendie qui court.