Page:Ponson du Terrail - Le Bal des victimes.djvu/149

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— Voyez-vous, mes bons messieurs, disait-il, on a beau dire que la Révolution qui vient de passer a fait les hommes égaux, c’est de la bêtise, ça. Les hommes sont faits pour qu’il y ait des riches et des pauvres, des nobles et des paysans.

Henri sourit, sans répondre.

Brulé continua :

— Et vous, monsieur Henri, vous seriez peut-être un peu bien emprunté, quoique vous soyez vaillant à l’ouvrage, s’il vous fallait conduire la charrue ou rompre un morceau de pré.

— C’est fort possible ce que tu dis là.

— Donc, poursuivit le fermier qui était d’une logique rigoureuse, puisque Dieu fait bien ce qu’il fait, la Révolution a eu tort de vouloir le défaire. Et comme dans ce pays, nous étions des gens de bon sens pour la plupart, nous n’avons jamais accepté complètement la Révolution.

— Ah ! vraiment ? fut le capitaine Victor Bernier avec un peu d’ironie.

— Non, monsieur, dit Brulé.

— Cependant…

— Oh ! je sais ce que vous voulez dire, reprit le fermier ; on a guillotiné à Auxerre.

— Comme ailleurs.

— Mais nous sommes loin d’Auxerre d’une façon, dit Brulé, et bien qu’il n’y ait que six lieues à travers bois.

— Comment cela ?

— Voyez-vous, mon officier, continua Brulé, dans ce pays-ci nous touchons quasiment au Morvan. D’aucuns prétendent même que nous sommes Morvandiaux.