Page:Ponson du Terrail - Le Bal des victimes.djvu/203

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Elle se précipita hors de sa chambre et descendit dans la cuisine, où elle arriva en même temps que Brulé.

Le premier appuyait toujours sa main sur la bouche de Lucrèce pour l’empêcher de crier.

— Ma fille ! exclama la mère Brulé, qui s’élança vers elle, la saisit dans ses bras ; et semblable à une tigresse qui défendrait ses petits, elle l’arracha au fermier.

— Ah ! au feu ! au secours ! cria Lucrèce.

Mais sa voix était si faible qu’elle n’alla point jusqu’au dehors, et que sa mère seule l’entendit.

Brulé s’arma d’un couteau qui se trouvait sur la table.

— Silence ! dit-il, ou je vous tue toutes les deux.

La mère Brulé se jeta devant sa fille et la couvrit de son corps.

— Silence ! répéta le fermier.

Cette scène s’était passée dans une demi-obscurité, car les rayons de la lune pénétraient maintenant par le châssis de la fenêtre.

— Oh ! tu ne la tueras pas, mon homme, s’écria la mère Brulé d’un ton mélangé de prière et de menace. Tu ne la tueras pas ! elle est revenue à pied… elle avait bien faim… et elle était bien lasse… Pauvre chère petite, avoir tant souffert !

Et elle l’étreignait dans ses bras, la couvrait de baisers et de larmes, et lui faisait un rempart de sa poitrine.

— Au feu ! au feu ! répéta Lucrèce d’une voix éteinte.

Brulé s’avança vers elle, le bras levé.

— Te tairas-tu ! s’écria-t-il.

— Grâce ! fit la mère Brulé qui se jeta aux genoux du fermier.