Page:Ponson du Terrail - Le Bal des victimes.djvu/205

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— Veux-tu te taire, malheureuse ! répéta le fermier, puisqu’il n’y est pas !

Elle lui fit signe qu’elle ne crierait pas s’il voulait la laisser parler.

Alors Brulé distendit ses mains et Lucrèce lui dit :

— Ce n’est pas M. Henri pour qui j’ai peur… c’est l’autre… je ne veux pas qu’il brûle !

— Qui l’autre ?

— Le capitaine.

— Mais, malheureuse, dit Brulé, tu ne sais donc pas qu’il me soupçonne ? tu veux donc m’envoyer à l’échafaud.

— Si vous le sauvez, je me tairai.

— Mais tu le connais donc ?

— Oui.

— Tu l’aimes ?

— Oui.

— Ah ! tonnerre et sang ! s’écria-t-il.

Et il oublia le serment qu’il avait fait à la mère Brulé, et saisit de nouveau sa fille à bras le corps.

Une lutte terrible s’engagea.

Brulé avait laissé échapper son couteau et Lucrèce s’en était emparée.

Déjà un flot de fumée noire montait au-dessus du bâtiment à fourrages.

— Ah ! je le sauverai, je le sauverai ! répéta Lucrèce avec une énergie sauvage.

— Tu te tairas, et il mourra, répondit le fermier.

La lutte continua terrible, acharnée, entre cet homme robuste et cette femme exténuée de fatigue ; et la mère