Page:Ponson du Terrail - Le Bal des victimes.djvu/244

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Bernier, qui se souvenait de la mansarde de la veille, au carrefour Buci, entra tout étourdi dans une antichambre richement décorée ; il traversa ensuite un salon dont l’ameublement luxueux respirait l’ancien régime, puis une chambre à coucher de petite maîtresse, et il ne s’arrêta qu’au seuil d’un boudoir, dans lequel se tenait la maîtresse du logis.

Bernier demeura immobile et muet au seuil du boudoir, tant sa surprise fut grande.

C’était bien la Lucrétia qu’il avait sous les yeux.

Mais non plus la grisette en robe de toile, l’ouvrière habitante de mansardes, la pauvre fille pour qui, pendant une heure le cœur du sensible sergent avait battu.

C’était une femme élégante, vêtue de satin, dont les bras blancs étaient couvert par des flots de dentelles et les mains chargées de bagues de prix.

— Bonjour, mon ami, dit-elle à Bernier sans se déranger et sans quitter la pose voluptueuse qu’elle avait prise sur une ottomane où elle était couchée.

— Madame… balbutia le sergent.

— Vous êtes étonné, n’est-ce pas ? fit-elle en souriant.

— On le serait à moins, murmura naïvement le sergent.

— Eh bien, venez vous asseoir près de moi, et je vous donnerai l’explication de bien des choses, répondit-elle.

Machefer interrompit Cadenet à ce moment de son récit :

— Ah ça ! lui dit-il, mais tu me fais-là un conte des Mille et une Nuits.

— Un conte vrai, dit Cadenet.