Page:Ponson du Terrail - Le Bal des victimes.djvu/282

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quand un beau gentilhomme du voisinage lui baisait sentimentalement le bout de ses doigts roses.

Le vieux comte de Vernières, son père, qui avait été un compagnon des folies du maréchal de Richelieu, avait dit bien souvent :

— L’homme qui épousera ma belle Diane sera un heureux coquin.

Mais un jour, un soir peut-être, la gaieté contagieuse de la jeune fille s’éteignit, son œil moqueur brilla d’un feu sombre, on ne la vit plus au bal, elle ne parut plus dans les fêtes ; pendant plusieurs années, on n’entendit plus parler d’elle.

Il fallut la grande catastrophe de 93 pour l’arracher à une torpeur étrange qui, depuis près de dix ans, semblait s’être emparée d’elle.

Quel mystérieux événement avait brusquement opéré cette métamorphose ? Quelle douleur sans nom avait brisé ce jeune cœur ? Quel messager de mort, quel ange de désolation avait, en passant, courbé cette tête de jeune fille vers la terre, alors que naguère elle contemplait le ciel ?

Mystère !

Et cela était arrivé bien avant le drame sanglant joué par Robespierre et les siens, et bien avant le premier rugissement de l’orage, alors que la Bourgogne était calme et que de nombreux jours heureux semblaient promis à la race des Jutault de Vernières.

Depuis près de quinze ans, à l’heure où notre récit commence, mademoiselle Diane n’avait point quitté les vêtements noirs.

Et de qui était-elle en deuil, alors que son père vivait ?