Page:Ponson du Terrail - Le Bal des victimes.djvu/34

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chambre, en qui j’avais toute confiance, et qui, pour la justifier, me dénonça le lendemain à la Commune. Je fus arrêté, jugé, condamné et exécuté le même jour.

— Cet homme est fou ! répéta Barras avec impatience.

— Mais, citoyen directeur, reprit Cadenet, je vais vous prouver clair comme le jour que j’ai toute ma raison et que je dis vrai.

Barras haussa les épaules.

Sans se déconcerter, Cadenet reprit :

— J’ai vu tout à l’heure en entrant ici un homme qui m’a beaucoup connu de mon vivant.

— Ah ! vraiment ? dit Barras d’un ton railleur.

— C’est Dufour, l’ex-fournisseur, un gros homme qui siégeait au tribunal révolutionnaire. Il me reconnaîtrait bien, lui, puisqu’il fut un de ceux qui me condamnèrent.

— Monsieur, dit Barras, frappant légèrement du pied, vous êtes venu chez moi pour vous amuser, c’est fort bien ; mais je vous serais très-reconnaissant d’abréger cette mystification.

— Ah ! pardieu ! s’écria Cadenet, vous allez voir que je ne vous mystifie nullement. Mon bon ami Dufour, venez donc ici un moment ?

Cadenet s’adressait à un personnage qui passait en ce moment dans le salon voisin et s’était arrêté sur le seuil de celui où se trouvaient Barras et madame Tallien.

C’était un gros homme qui avait la mine rouge, le menton à triple étage, l’œil souriant, la lèvre fleurie, qui portait des bagues à tous les doigts, des diamants à toutes ses bagues, des diamants à sa chemise et des diamants à son habit.