Page:Ponson du Terrail - Le Bal des victimes.djvu/43

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Sans doute. Ne vois-tu pas, mon ami, que Barras en est déjà fou ?

— C’est dommage ! disait-on dans un autre groupe, Marion vendait de bien beaux bouquets, cependant.

— Elle vendra des faveurs, dit une jeune et jolie femme qui ne dédaigna point de risquer ce calembour. Les fleurs et les rubans sont de même famille.

Barras vit partout la foule s’écarter souriante sur son passage.

— Heureux directeur ! soupiraient tous ceux que Marion la bouquetière avait rebutés.

Barras sortit des salons, gagna une terrasse, puis descendit les marches d’un perron qui conduisait dans le parc.

— Il va vite en besogne, le directeur, chuchotèrent quelques voix.

Les groupes épars sous les grands arbres s’écartèrent comme s’étaient écartés ceux des salons.

Jamais l’ancienne cour n’avait mieux respecté les mystères de galanterie du roi Louis XV.

Le citoyen Barras avait, aux yeux de tous, déjà conquis Marion.

Marion, toujours émue et pâle, se laissa entraîner par lui.

— Ainsi donc, ma toute belle, disait le galant directeur qui venait de la conduire dans une allée sombre et à peu près déserte, vous êtes bouquetière.

— Oui… citoyen.

— Un métier de pauvre fille, mon adorée…

— De pauvre fille qui n’a que son travail pour vivre, citoyen…