Page:Ponson du Terrail - Le Bal des victimes.djvu/60

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Ils avaient vécu dix années de la même vie, ils s’aimaient comme deux frères.

La Révolution les sépara.

Depuis lors, Barras avait enfin demandé son ami à tous les échos du monde ; il avait plus d’une fois visité et fouillé les prisons, il avait examiné avec anxiété les livres d’écrou de la Conciergerie ; il avait cherché le nom du chevalier sur toutes les listes de condamnés.

La Terreur passée, Barras était demeuré convaincu que le chevalier avait sauvé sa tête.

Or, le personnage vêtu de noir et qui portait un gilet jaune, l’homme grisonnant que Barras avait salué du nom de Souchet, et qui venait de se dire un simple serviteur, n’était autre que le valet de chambre du chevalier d’Aiglemont.

Barras lui prit vivement les mains :

— Ah ! tu vas me dire où est le chevalier ?

— Mort, monsieur le comte.

— Mort ! dit Barras avec stupeur. Oh ! pas à Paris ; du moins… Il aura été tué à l’armée de Condé ?

— Vous vous trompez, monsieur le comte, il est mort à Paris.

— À Paris !

— Oui.

— Mais de quelle mort ?

— De la mort commune, ordinaire, universelle, monsieur le comte, il a été guillotiné.

— Ah ! c’est impossible !

— Cela est, et un membre de la Commune a fait tanner sa peau.