Page:Ponson du Terrail - Le Bal des victimes.djvu/61

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— Horreur !

— Pour s’en faire un gilet de bal, acheva Souchet.

Ce gilet, je l’ai racheté, quand le montagnard fut guillotiné à son tour… et voilà !

Souchet montrait son gilet jaune, et Barras recula saisi d’horreur. Ce gilet, c’était un fragment de la peau du chevalier d’Aiglemont, son malheureux ami.

VI

Machefer et Cadenet, qui depuis un quart d’heure s’étaient faits les inséparables du directeur Barras, se regardèrent alors.

Quelques gouttes de sueur perlaient à son front, et ses tempes frissonnaient sous l’action d’un tremblement nerveux.

Mais il n’eut pas le temps de répondre à Souchet, de prononcer un mot de colère, de pitié et de douleur, en présence de la peau de son malheureux ami, car un signal fut donné et l’orchestre se fit entendre.

Orchestre magique, bruyant, fiévreux, d’une gaieté insensée — si l’on songeait qu’il allait faire danser des gens qui avaient la mort au cœur.

Une femme se leva et vint droit à Barras :

— Mon cher Paul, dit-elle, ne me ferez-vous pas danser, ce soir ?

Barras pâlit en reconnaissant cette belle et désolée