Page:Ponson du Terrail - Le Bal des victimes.djvu/76

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loyaux, des serviteurs du roi dévoués et fidèles. Mais, pour moi, vous êtes des conspirateurs qui rêvez le renversement de la République.

— Et nous la renverserons, s’il plaît à Dieu, dit Machefer.

— Tais-toi, dit Barras, et écoute-moi jusqu’au bout.

— Parle…

— Demain, si vous épargnez ma vie, si vous me rendez à la liberté, je serai redevenu le premier magistrat de la République, et mon devoir sera de veiller à sa sécurité, de rechercher les conspirateurs.

— Tu feras ce que tu appelles ton devoir, dit Machefer.

— Mais, acheva Barras, je suis gentilhomme, comme vous me l’avez rappelé, et je n’abuserai pas de votre générosité. Nul ne saura que je suis venu ici, nul que j’ai failli mourir, et j’aurai oublié vos noms et vos visages.

Les juges se regardèrent d’un air de doute, mais Machefer s’écria :

— Vous pouvez le croire !

— Et, acheva Barras, je vais vous demander de me bander les yeux et de me remettre dans une voiture qui me ramènera sur la route de Grosbois.

— C’est inutile, dit Cadenet. On ne te bandera pas les yeux, citoyen directeur. Nous croyons à ta parole.

Barras s’inclina.

Puis il se tourna vers madame de Valensolles et Marion et leur dit :

— Je vous dois à chacune la vie d’un homme. Tôt ou tard, peut-être, aurez-vous à me rappeler cette promesse.

La marquise et Marion demeurèrent muettes.