Page:Ponson du Terrail - Le Bal des victimes.djvu/78

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Barras tressaillit et doubla le pas.

— Ah ! c’est vous, Lange ? dit-il.

— C’est moi, répondit la jeune femme, car c’était une femme jeune et belle, — moi qui vous cherche partout… depuis hier soir…

Et elle lui prit les mains et l’attira dans le rayon lumineux projeté par une lanterne vénitienne suspendue dans les arbres.

Barras passa le pouce de sa main droite dans l’entournure de son gilet, et prit un air conquérant :

— Vous savez, ma toute belle, dit-il, que nous ne sommes plus que de bons amis.

— Eh bien ?

— Que nous nous sommes rendu une liberté réciproque et complète… depuis certain jour…

— Après ? fit mademoiselle Lange, car c’était bien la belle, la gracieuse mademoiselle Lange, du théâtre de la République, bien-aimée pensionnaire de la maison de Molière.

— Alors mon adorée, dit Barras, qui prit un ton dégagé, j’ai cru pouvoir user de ma liberté.

— Ah !

— Et pendant qu’on dansait ici…

— Aller vous amuser ailleurs, n’est-ce pas ?

— Justement.

— Vous avez enlevé Marion la bouquetière ?

— Peut-être… Voyons, avouez qu’elle est charmante, presque aussi charmante que vous.

Et le galant directeur prit la belle mademoiselle Lange par la taille et lui vola un baiser.