Page:Ponson du Terrail - Le Bal des victimes.djvu/8

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Voici venir l’heure de la réaction, la réaction du plaisir.

On est ruiné, mais on dansera.

On a détruit les hôtels, brûlé, saccagé les palais, mais Ruggieri, le grand homme, a ouvert les jardins publics de Tivoli.

Voyez-la courir, cette foule encore en deuil, et dont la lèvre railleuse a retrouvé son sourire ! Comme elle descend la rue du Montblanc avec empressement, comme elle se porte au Vauxhall, comme elle court à toutes jambes voir la pièce nouvelle que le citoyen Sageret vient de monter à Feydau.

Ici l’incroyable, avec son habit gorge de pigeon, aux boutons larges comme une assiette, son gilet pailleté, sa cravate qui monte jusqu’à la lèvre supérieure, et sa canne tordue, et ses boucles d’oreilles, et ses deux chaînes de montre qui pendent à deux larges rubans bleus ou roses !

Là, les épaules nues, la taille serrée dans un fourreau qui ne laisse rien à deviner, un flot de gaze sur la tête, en guise de coiffure, la citoyenne qui n’est plus ou n’a jamais été grande dame, mais que la mode et sa beauté viennent de proclamer reine !

Et le bourgeois qui respire et s’est débarrassé de son dernier assignat !

Et l’ouvrier qui applaudit à l’abolition de la décade, parce qu’il pourra fêter le lundi comme autrefois.

Et le gamin qui criait : « Bravo ! » à l’exécuteur des hautes œuvres et qui maintenant trouve plus amusant de faire la roue à la porte des jardins d’Idalie.

— Place ! voici Marion !