Page:Ponson du Terrail - Le Bal des victimes.djvu/9

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Qu’est-ce que Marion ? Vous allez le savoir. Elle a dix-huit ans, sa lèvre est rouge, son œil est noir, ses épaules d’un blanc céreux disparaissent, frileuses, sous les boucles tumultueuses de sa luxuriante chevelure qui flotte au vent du soir.

Elle a la taille souple et hardie, le pied cambré, la main mignonne, le rire provoquant qui épanouit la lèvre.

Sa vie est une chanson ; son cœur, un mystère. Ce qu’il reste à Paris de grands seigneurs, car il y en a encore quelques-uns, lui ont promis monts et merveilles ; les incroyables se sont cotisés et se la sont disputée.

Mais Marion n’aime personne, ou bien, celui qu’elle aime, nul ne le connaît.

Chaque soir, on la voit à la porte des théâtres, son éventaire suspendu à son cou par un ruban bleu, ses épaules à l’air, le bras nu, la main mignonne et le pied délicatement chaussé d’une mule de satin blanc.

Ses fleurs sont les plus belles fleurs. Hiver et été, elle a de la violette de Parme.

Elle en vend à tous, et met son odorante marchandise à la portée du tout le monde.

Le ci-devant, devenu mirliflor, paiera ce bouquet vingt livres ; mais le pauvre petit commis, qui veut plaire à une grisette, offrira trente sous, et Marion s’en contentera.

Elle lui sourira même et lui souhaitera bonne chance, la bonne chance des amoureux, c’est-à-dire un baiser mouillé de larmes, un bonheur mélangé de douleurs bien poignantes.

Or donc, Marion est venue se poster à la porte de Tivoli.