Page:Ponson du Terrail - Le Bal des victimes.djvu/91

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La neige couvrait les sillons ; une bise aiguë coupait le visage, pour nous servir de l’expression bourguignonne.

La cabane était habitée, sans doute, car un filet de fumée bleue montait en spirale dans le ciel gris.

Cependant, avant de frapper à la porte, le chasseur se retourna et promena un regard investigateur autour de lui.

Le regard d’un homme qui cherche un compagnon égaré.

Mais la lisière de la forêt était déserte et le chasseur se décida à mettre la main sur la cheville en bois qui servait de loquet à la porte de la cabane.

La porte ouverte, il s’arrêta un moment sur le seuil et salua d’un air affable.

— Bonjour, Jacomet, dit-il ; bonjour, petiote.

Le premier de ces saluts s’adressait à un homme d’environ quarante ans, barbu comme un bouc, le visage noirci, petit et trapu, et dont le large cou, rentré dans les épaules, trahissait une force herculéenne.

L’autre salut, qui avait été suivi d’un sourire, était pour une jeune fille de quatorze ou quinze ans qui assise auprès du charbonnier noir et farouche, ressemblait à un ange accouplé avec un démon.

Grande, mince, fluette, avec des cheveux dorés, des yeux bleus, une bouche rose, des mains blanches, en dépit du travail, cette créature avait la beauté calme et fière d’une fille de roi, sous la pauvre jupe rayée de blanc et de bleu et sa grosse chemise de toile écrue.

Il fallait être du pays et l’avoir toujours entendu dire, pour croire que c’était là le père et la fille.