Page:Pontmartin - Nouveaux Samedis, 19e série, 1880.djvu/247

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çat libéré, entra, vers cinq heures du soir, après un jour de marche, dans la ville de Digne. Il avait vingt-six ans. Repoussé par tous les hôteliers, brisé de fatigue et de faim, cédant au conseil d’une bonne vieille dame qui sortait de l’église, il vint frapper à la porte de l’évêché.

J’étais en ce moment auprès de mon évêque, en attendant le souper. Nous causions de son frère, le général Miollis, dont le nom, à la suite d’une action d’éclat, venait de reparaître dans le Moniteur. À ce propos, j’ouvre une parenthèse. M. Hugo, cherchant midi à quatorze heures, — ce qui semble être un de ses péchés mignons, — attribue à un bon mot, à une heureuse repartie, la nomination de Mgr Myriel, humble curé, à l’évêché de Digne. L’explication est bien plus simple. Au lendemain du Concordat, l’Église de France manquait de sujets. L’ancien épiscopat avait été décimé par la Révolution et l’exil. Les survivants, — les revenants, — n’inspiraient pas tous une bien vive confiance au formidable organisateur qui prétendait garder tous les pouvoirs dans sa main et ne songeait, en relevant les autels, qu’à multiplier ses moyens de gouvernement. Un jour, le général Miollis, qui avait fait sous ses ordres la campagne d’Italie et qui avait son franc parler, lui dit : « Sire ! vous êtes embarrassé pour trouver des évêques… J’ai là-bas, dans la montagne, un frère, de dix ans plus âgé que moi, un saint homme de curé, qui ne