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Page:Pontmartin - Nouveaux Samedis, 19e série, 1880.djvu/248

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s’est jamais occupé de politique, mais qui m’aime trop pour ne pas chérir Votre Majesté… Essayez-en !… Les pauvres ne s’en plaindront pas ! » — C’est ainsi que l’abbé Miollis fut nommé évêque de Digne.

Nous étions donc ensemble, le 15 octobre 1806, dans la salle à manger, située au rez-de-chaussée. Rosalie, la vieille servante, faisant fonctions de majordome et de maître d’hôtel, trottinait dans l’escalier après avoir mis le couvert. C’est alors qu’un coup violent retentit à la porte. L’évêque resta calme ; j’eus un de ces mouvements nerveux dont on n’est pas maître.

Rosalie descendit l’escalier, toute pâle, et s’écria, les mains jointes : « Sainte Vierge ! Qui frappe ainsi ? On dit qu’il y a, ce soir, du mauvais monde dans les rues ! » — Médor, un vieux caniche, habituellement pacifique et hospitalier, se mit à aboyer dans cette gamme plaintive et lugubre que la superstition villageoise regarde comme un présage de mort. — « Paix, Médor !… Rosalie, allez ouvrir ! » dit Monseigneur.

Pierre Maurin entra. Son aspect n’avait rien de bien rassurant, et j’aurais été médiocrement flatté de le rencontrer au coin du bois de l’Estérel. Néanmoins, il paraissait effaré, intimidé et affamé, plutôt que féroce. Son attitude et sa physionomie craintive contrastaient avec la carrure de ses épaules et le hâle de son visage robuste. Pendant mes séjours à Toulon, j’ai souvent observé cette nuance. À part les célébrités du bagne, les scélérats