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Page:Pontmartin - Nouveaux Samedis, 19e série, 1880.djvu/254

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quelques heures d’un sommeil paisible, l’indéfinissable influence d’une maison habitée par un saint, ces sensations si nouvelles pour lui d’un accueil cordial après tant de rebuffades, d’un sourire d’évêque après le bâton des garde-chiourmes, tout contribuait à opérer chez ce jeune homme, plus enténébré que perverti, un commencement de régénération morale dont il n’avait pas conscience, mais qui se traduisait déjà dans son regard, dans son attitude et sur sa figure.

— Vraiment, on croirait que ce n’est plus le même homme ! dis-je à Monseigneur.

Mgr Miollis fit un signe à Pierre, qui descendit à la hâte et vint nous rejoindre. — Pardon ! pardon ! murmura-t-il. Rosalie m’a dit que vous étiez l’évêque... je ne savais pas, moi !... Que de bontés pour un...

— Il n’y a pas de mal, mon ami ! aux yeux de Dieu, un évêque ne vaut pas mieux qu’un curé... L’essentiel est maintenant de savoir ce que vous allez faire... Avez-vous un état ? Savez-vous un métier ?...

— Hélas ! oui... j’en saurais même plusieurs.... Avant mon malheur, j’étais ruscolier[1], dans les bois de Servoules, du Luc, de Saint-Tropez et de l’Estérel... Là-bas. .. à Toulon... j’ai appris le métier de tourneur, un

  1. Du mot provençal, Rusque, écorce. On appelle ainsi les ouvriers bas-alpins, qui descendent de la montagne en automne, et déshabillent le tronc et les branches-maitresses des chênes-lièges.