Page:Pontmartin - Nouveaux Samedis, 19e série, 1880.djvu/261

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un lettré que ce dur à cuire ? lui dis-je. — Assez bon latiniste, me répondit-il, et tellement virgilien, que, une fois gouverneur de Mantoue, il fit élever un obélisque à la mémoire de son poète. Maintenant, mon cher hôte, vous comprenez que je ne vais pas vous raconter l’histoire des sept années qui suivirent. De temps à autre, nous avions des nouvelles. La conduite de Pierre Maurin était toujours irréprochable, et, chaque fois qu’une occasion s’offrait, il déployait une bravoure ou plutôt une témérité incroyable, à la recherche d’une mort glorieuse qui ne voulait pas de lui. Le général y voyait la preuve qu’il n’était pas réconcilié avec lui-même, que le soldat ne pardonnait pas au galérien. « Et pourtant, ajoutait-il, je puis affirmer qu’il ne reste pas une parcelle, pas un atome du forçat dans cette vigoureuse nature, régénérée par la vie des camps !… »

Cependant les catastrophes se précipitaient ; les terribles années 1812 et 1813 préparaient la chute de l’Empire. Le contre-coup de nos désastres arrivait jusque dans nos montagnes. — « Pauvre Pierre ! disions-nous parfois. Où est-il ? Que fait-il ? Est-il mort ?… Vit-il encore ? » — Pierre avait appris à écrire, afin d’adresser directement à son évêque l’expression de sa reconnaissance, de son dévouement, de son culte… mais, depuis plus de six mois, Pierre n’écrivait plus. Son silence, ses dangers, ses chances de mort, agitaient près de nous un cœur plus jeune et plus tendre que les nôtres. Rosalie,