Page:Pontmartin - Nouveaux Samedis, 19e série, 1880.djvu/260

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lui revient plus lucide et plus cruelle. Le jour qui se fait peu à peu dans son intelligence sert tout à la fois à le rendre meilleur et plus inexorable dans sa propre cause. Plus il se relève, moins il se pardonne, et ses énergiques efforts pour se racheter ont pour résultat immédiat d’exagérer à ses yeux le prix de la rançon. Tel qu’il est, il m’inspire le plus vif intérêt : je ne le perdrai pas de vue, et j’espère qu’il ne me quittera plus. Adieu, mon cher évêque, mon bon frère ! Je te remercie de prier pour nous ; nous avons bien besoin de tes saintes prières ; car, si nous continuons nos prodiges, ils nous coûtent une effroyable quantité de soldats, d’officiers et même de généraux… Enfin, à la guerre comme à la guerre, et vive l’Empereur !

« Parlons d’un sujet plus doux. Il est question de me nommer gouverneur de Mantoue ; je voudrais me remettre à mon Virgile. Tu te souviens, n’est-ce pas ? que c’était mon poète favori à l’époque où Monseigneur mon aîné me donnait des leçons de latin ? Hélas ! quand nous traduisions ensemble le ô fortunatos nimium… je ne me doutais pas que le discordibus armis s’emparerait de ma vie tout entière. Pourrais-tu m’envoyer un exemplaire de la petite édition de Heyne ? J’ai perdu le mien dans une de nos bagarres. Merci d’avance, et tout à toi… Ton cadet, Sextius. »

Le vieux chanoine se tut un moment. — C’était donc