Page:Pontmartin - Nouveaux Samedis, 19e série, 1880.djvu/265

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Le soir d’un jour de marche ! l’homme sans gîte ! Le coup frappé à votre porte ! l’hospitalité de mon évêque ! Le troisième couvert ! murmurait Pierre en s’efforçant de sourire... comme en octobre 1806...

— Non, mon ami ; non, ce n’est plus la même chose ! répondit Monseigneur avec une telle expression de sympathie que, cette fois, Pierre Maurin ne put retenir ses larmes. Pour faire diversion à ses sombres pensées, nous lui demandâmes le récit de ses dernières campagnes. Malgré le soin qu’il prit de s’effacer en se racontant, il nous fut facile de comprendre qu’il n’avait cessé de se jeter au plus épais de la mêlée, de se dévouer à ses camarades et à ses chefs, de réclamer le poste le plus dangereux, de se battre avec furie, de braver les plus dures fatigues et surtout de chercher sur le champ de bataille cette mort du soldat qui lui semblait sans doute le seul moyen de réhabilitation complète. Apollonie, rentrant sous divers prétextes, l’écoutait avec une curiosité et une émotion singulières. Je n’insiste pas ; je suppose, monsieur le critique, que vous avez lu Othello et l’Énéide.

— Pauvre Pierre ! me dit tristement Mgr Miollis, quand je l’accompagnai dans sa chambre ; tant de beaux faits d’armes et pas d’avancement ! Pas de croix d’honneur ! Pas même son nom à l’ordre du jour de l’armée ! Mon frère en sait là-dessus plus que moi. Nous devons croire que c’était impossible.

Que vous dirai-je de l’année qui suivit cette mémo-