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Pool, expulsé de Segré et de Châtelais, qui tombe vaincu et prisonnier à la Gravelle. L’ennemi revient en 1425[1] occuper le Mans, et la vaillante Yolande, qui veille au château d’Angers, accepte du roi la charge de défendre les deux provinces, Anjou et Maine, moyennant un subside annuel de 30 000 livres qu’elle ne reçut jamais. Mais refoulées par ces défaites, les bandes se bornent à infester les marches angevines, occupent un instant en 1427 le Lude et Saint-Laurent-des-Mortiers et par aventure en 1431 poussent jusqu’à deux lieues d’Angers, à Épinard, où Hardouin de la Porte de Vézins et Guill. de Tinténiac en font carnage. Dans ce désarroi un heureux coup de main livre encore aux Anglais en 1443 St-Denis-d’Anjou, d’où ils sont expulsés de vive force par la noblesse angevine ; et à quelques jours de là Sommerset s’avance tout d’un trait jusqu’à Angers et prend gîte dans l’abbaye de St-Nicolas, en vue du château ; mais un coup de fauconneau bien dirigé abat à sa table le meilleur de ses capitaines et suffit à faire décamper l’armée entière.

L’Anjou en devait être dès lors à jamais délivré, sauf à rester épuisé et encore pendant dix années réduit à former comme « la haye » entre deux combats.Misère. Toute la contrée entre Sarthe et Loire avait subi les assauts des combattants ; la rive gauche d’outre-Loire, passage et rendez-vous des routiers et plus à plaindre peut-être encore, s’était vue en proie à « la plus grant confusion et désordonnance de gens d’armes dont jamais fust mémoire… destruisant, pillant, robant, vivant à volenté, ranczonnant, brûlant esglises et maisons, faisant touz exploitz que à pou eussent faiz ou peu faire les Angloys » . — Les pauvres gens, « couchant sur la paille, à nu, découvert, » meurent « eulx et leurs familles, comme de faim » ; les plus forts allaient mendiant, et quand le roi s’arrêta au château, il put voir et entendre chaque matin « plus de 800 à 1 000 » de ces misérables « en si piteux estât », qui venaient sous sa porte l’implorer[2]. En cette détresse les maladies, comme toujours, faisaient place nette et de 1444 à 1449 emportèrent plus de 10 000 habitants, — en 1450 encore plus de 6 000.

René pourtant, le duc populaire moins par ses bienfaits que par ses propres infortunes, était de retour de ses vains combats et venait en 1445, par leRéunion de l’apanage mariage de sa fille Marguerite avec le roi Henri VI d’Angleterre, de rattacher la branche d’Anjou-Sicile au vieux tronc d’Anjou-Plantagenet. Il n’apparaît guère, malgré les beaux sentiments qu’on lui prête, de son affection si vive pour son duché d’Anjou, où il ne s’arrête que par intervalles, sans longs séjours, comme en un pays épuisé. Au début même d’un nouveau règne, qui va lui devenir hostile, le cri de toutes les souffrances éclate en 1461 à Angers dans l’insurrection de la Tricotterie, étouffée par une répression implacable. La guerre du Bien public y amène presque aussitôt à diverses reprises l’armée royale et en 1464 le roi lui-même, que sa piété de haute politique intéresse à tant de pèlerinages, à Béhuard, au Puy-Notre-Dame, à Ste-Émérance de la Pouèze, à la Vraie-Croix de St-Laud d’Angers. Dès 1471 le vieux duc est parti pour ne plus revenir et Louis XI surveille anxieusement son héritage. — Au premier bruit d’un testament qui léguait l’Anjou à Charles du Maine (22 juillet 1474), la saisie fut ordonnée du duché et René dénoncé au Parlement. En même temps s’installait au château d’Angers un gouverneur royal, Guill. Cerisay,

  1. Le 10 août, d’après D. Piolin, Hist. de l’Egl. du Mans, V, 88, — et Luce, Rev. des Quest. Hist., Juillet 1S78, p. 227. Les Doléances de 1450, Reg. P 1341, f. 38 des Arch. nat., dans les Arch, d’Anj., II, 307, donnent la date de 1424.
  2. Arch. d’Anj., II, p. 314.