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Page:Pottier - Chants révolutionnaires.djvu/130

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LE RÊVE DU FORGERON



Au citoyen Jules Guesde (Voie du Peuple).


Le forgeron s’accoudait sur l’enclume,
Brisé des reins et tombant de sommeil ;
En songe alors, sa forge se rallume,
Un homme en sort et dit : Pense au réveil !

Cet homme est large et velu comme Hercule,
Un lion roux lui fournit un manteau,
En ruisseaux bleus son sang de fer circule,
Ses deux bras nus lèvent un lourd marteau.

« Je suis Travail, dit-il, mes reins humides
» Gardent encor les sueurs du passé ;
» J’ai, bloc à bloc, monté les Pyramides,
» Les conquérants sur mon corps ont passé.

» Je fus jadis le paria, l’ilote,
» Le vil esclave aux murènes jeté,
» Le serf meurtri qu’à la glèbe on garrotte,
» Quatre-vingt-neuf me cria : Liberté !…

» Moi, libre ? oh ! non, j’appartiens au salaire,
» Maître sans nom qui paie au jour le jour ;
» Je suis encor le bétail populaire,
» L’œil sans lumière et le cœur sans amour.

» Pour gagne-pain, j’eus mes bras, mon échine.
» Les supprimant par un progrès trompeur
» Sur moi, l’usure a lancé la machine,
» L’écrasement marche à toute vapeur.