Page:Potvin - L'appel de la terre, 1919.djvu/125

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vu, quelques jours auparavant, s’éloigner le bateau qui emportait l’aimée…

Quelquefois, faisant un consciencieux effort pour se distraire de ses obsédantes pensées, il s’amusait au va-et-vient des bateaux dans les alentours de Tadoussac. Tantôt, c’était une goélette qui entrait à toute voile dans le Saguenay avec des airs de mouette dansant sur les vagues, tantôt c’était l’un des bateaux, qui font le service des paroisses des rives nord et sud, qui traversait le fleuve suivi de son panache de fumée noire. Paul ne perdait aucun de ces mouvements de la rade ; mais ces spectacles finissaient toujours par lui rappeler l’absente.

« Ah ! » gémissait-il en lui-même, « autrefois Blanche était avec moi… »

Alors, il se levait et marchait comme un fou à travers les arbres du parc. L’automne avait touché du doigt les massifs où le vert frais des feuillages s’était marié aux teintes riches de l’or et de la pourpre. Pour l’heure, la beauté de la nature était dans ces teintes qui se confondent en ce quelque chose d’impalpable et de lavé relevant à la fois du pastel et de l’aquarelle, dernier reste de couleurs, dernière flamme de vie qu’effacera bientôt la première bise ; nature condamnée et d’autant plus aimable qu’elle est à la merci du premier heurt de l’hiver, comme ces êtres prédestinés aux yeux brillants et au teint transparent dont on ne pressent que trop le prochain départ.

Paul Duval aimait cette nature mélancolique… Ne dit-elle pas aux lamentables amoureux  : déçu