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L’APPEL DE LA TERRE

cela : « Hé ! André, pas encore à vendre la terre du père ?… » Je lui aurais donné un coup de poing. Et, comme je le regardais d’un œil qui voulait en dire long de ce que j’avais sur le cœur, Mercier a ajouté : « Tout de même, vous faudra bientôt des engagés ; les récoltes, tu sais, et les semences, c’est pas les moineaux, ni les corneilles qui les font. » Ah ! c’est raide, allez, de se faire dire des choses comme ça.

— Encore une fois, qu’est-ce que tu veux qu’on y fasse, répéta la père Duval en poussant un soupir.

Les deux hommes se levèrent.

La prairie semble fatiguée du fardeau du foin qui reste encore debout… Au travail donc sans plus tarder. Demain, il y aura peut-être la pluie, l’ennemie acharnée de la fenaison…

André, sombre toujours, enfonce déjà sa faulx dans l’épaisse nappe de mil… Jacques Duval, après avoir allumé tranquillement une seconde pipe, tire sa pierre à faulx d’une petite gaine de cuir qu’il porte à sa ceinture et, la passant et repassant sur la lame, en fait crisser au loin l’acier…

Et jusqu’à la brunante, les deux faulx brisèrent l’herbe au vol régulier et chantant de leurs ailes claires…