Page:Potvin - L'appel de la terre, 1919.djvu/133

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la fenêtre et ce fut comme un regard d’adieu à la terre, à sa pauvre terre qu’il aimait si profondément.

La mère elle, pleura ; dans le silence de la grande cuisine, elle pleura longtemps à sanglots pressés, précipités.

Le lendemain matin, André menait paître ses veaux au « trécarré ». C’était un jour morne de mi-septembre. Le nord-est soufflait en bourrasques faisant battre la pluie. Le paysage se décomposait à tout instant sous de grands coups de vent qui descendaient des montagnes. André se sentait abattu et il n’avait plus de cœur à rien ; ses pieds collaient à la boue des prairies. Rendu au « trécarré » il s’entendit interpeller du champ voisin :

« Hé ! André, pas encore à vendre… la terre du père ?… » C’était Samuel Mercier.

André ne se fâcha pas, cette fois. Il s’arrêta au milieu du champ, s’amusa pendant une minute à enlever la boue de ses bottes avec une hart qu’il tenait à la main, puis, il répondit à Samuel Mercier :

« Oui… la terre du père… elle est à vendre. »

Et André Duval s’éloigna, navré, faisant mine de courir après ses veaux qui paissaient tranquillement le long de l’abattis du « trécarré » …

Vers le midi, le vent se mit à souffler encore plus fort ; un brouillard opaque s’étendit entre le ciel et la terre et l’on ne voyait rien du paysage d’alentour. André descendit à la maison où il s’enferma. Le lendemain, la brume couvrait encore les champs et la pluie fine, perçante, continua de tomber pendant