Page:Potvin - L'appel de la terre, 1919.djvu/135

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des scintillements de pierreries. Le temps s’adoucit et sécha les herbes. Les chaumes tentèrent quelque verdure et, sur les midis, il y avait comme du printemps dans l’air.

Cette crise de dépression morale dont le mauvais temps assurément avait été pour beaucoup dans l’état d’âme d’André Duval, s’était calmée ; le jeune homme avait retrouvé son équilibre.

Il remonta au trécarré voir ses génisses qui avaient dû terriblement souffrir du froid. Elles paissaient des touffes d’herbes encore vertes au long des clôtures d’abattis.

Au bout de la terre faite, le bois vert bruissait avec allégresse et les chants des derniers oiseaux se faisaient entendre plus clairs dans la sonorité du bois faite de toutes les feuilles déjà tombées sur le sol.

André se retourna et embrassa d’un coup d’œil toute la terre du père. Elle vibrait dans ce jour clair de prime-automne. Le jeune homme pleura presque devant sa bonne amie qu’il lui faudra bientôt quitter. Il eut comme la révélation du sentiment qui existait en lui, impérieux et profond : l’amour de la terre. Jusqu’alors, trop occupé à son dur travail, n’ayant jamais pensé qu’il pût faire autre chose que de remuer la terre et la forcer de produire, il avait joui d’elle sans penser sérieusement qu’il pût la quitter. La quitter ?… son cœur se refusa à cette perspective ; il s’arquebouta quand la pensée du départ devint trop tenace. Il se prit à espérer naïvement, comme un enfant.