Page:Potvin - L'appel de la terre, 1919.djvu/136

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« Et si elle n’était pas vendue, la terre ?… murmurait-il en lui-même, les yeux brillants. »

Il descendit vers la maison.

Dans la prairie d’en bas, il rencontra le père qui, juché sur un tombereau chargé de fumier, s’en allait fumer un coin du pré où souvent il avait exprimé l’intention de semer des patates.

André l’arrêta.

« À quoi bon, » père, lui dit-il, simplement, en montrant le tombereau chargé de l’engrais.

— Comment, à quoi bon ?… mais je te dis qu’elles viendront très bien, les patates, dans ce coin-là… tu verras. Je suis sûr que nous aurons la plus belle récolte de patates de la paroisse, l’automne prochain…

— L’automne prochain… répondit avec émotion André, l’automne prochain, dans ce coin de la prairie, des tas de bran de scie recouvriront peut-être ces engrais qui seront perdus ; ici, là, dans le pré d’en bas, dans la prairie du ruisseau, dans le champ de l’Orme, au chaume du Rocher, s’élèveront de laides piles de planches et de madriers ; les écorces et les copeaux couvriront notre chemin de traverse et jusqu’au « trécarré » on sentira la résine du pauvre bois taillé… L’automne prochain, la terre sera vendue, père, murmura sourdement André en se tournant vers la rivière qui scintillait plus bas… Il y aura là-bas, les moulins… »

Le père était devenu subitement soucieux en