Page:Potvin - L'appel de la terre, 1919.djvu/137

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entendant son fils évoquer cette laide transformation de sa terre. De l’extrémité de ses guides, il caressait la croupe de son cheval ; puis, il regarda le coin du pré où il s’en allait porter le fumier. Enfin, il dit :

« Qui sait, mon garçon… si elle n’était pas à vendre, la terre ?…

— Vous savez bien que c’est impossible, répondit André… Quand même les moulins ne se construiraient pas, elle est trop grande maintenant, la terre, et il nous faudrait deux bras de plus…

Le père resta encore, un instant, songeur, puis il dit :

« Sais-tu une chose, mon garçon ? C’est que j’ai là, dans l’idée, que Paul nous reviendra, cet hiver ; j’ai ça ici, continua-t-il en se donnant un grand coup de poing sur la tête, et ça ne démord pas…

— Paul ?… Non, il est perdu… Faut plus y penser, murmura sourdement André en quittant son père qui continuait obstinément vers le coin du pré…

À la maison, la mère Duval ne languissait pas ; elle profitait du beau temps et André la trouva accroupie dans le potager où elle arrachait ses oignons. Après que le légume était sorti de terre, elle le secouait d’un petit coup sec sur ses genoux puis elle l’étendait sur le sol où il y en avait déjà une longue rangée ; il y en avait dont les tiges dépassaient de près d’un pied les autres. Quand la mère Duval avait fini un « carré »