Page:Potvin - L'appel de la terre, 1919.djvu/144

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Le jour tirait à sa fin et Paul Duval descendit de la Montagne. Les globes électriques s’allumaient dans toutes les rues ; des bandes de travailleurs et d’ouvrières s’évadaient partout ; on en voyait surgir des terrains vagues, et les ateliers et les grands magasins en dégorgeaient par groupes compacts. Tous s’en allaient, pressés, par les méandres des ruelles, ou bien, aux coins des rues, attendaient le passage d’un tramway qu’ils escaladaient pour gagner les banlieues ; partout, dans les groupes, on était joyeux : des rires, des boutades, des appels, des adieux, des « au revoir »…

Dans la soirée, pendant que toute la ville semblait à la joie et que les promeneurs profitaient de l’une des dernières soirées de la saison, pour envahir les parcs et les boulevards, Paul Duval s’enferma dans la chambre étroite et sombre qu’il avait louée dans l’une des rues besogneuses de la partie basse de la ville.

Le grondement de la rue montait à lui et lui faisait mal au cœur. Il sentit qu’il ne s’accoutumerait pas à cette solitude déprimante. Elle lui causait de bizarres malaises ; elle l’effrayait et il devint inquiet quand il vit les pénombres noyer les coins de sa chambre. Devant sa fenêtre, un réverbère vacillait sur les ténèbres grandissantes de la rue. En haut, une étroite bande d’azur sombre traçait, entre les bords des toitures, une autre rue égale et symétrique dans le ciel. Là, quelques étoiles brillaient. Il pensa au doux pays saguenayen, au-dessus duquel devaient briller, en ce moment,