Page:Potvin - L'appel de la terre, 1919.djvu/154

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que tout l’air ambiant suintait la tristesse et l’ennui, le fils de l’honnête Jacques Duval, le fiancé de la pure Jeanne Thérien, s’était laissé entraîner par un camarade d’occasion, rencontré dans la journée au hasard d’une promenade sur les quais, dans l’un de ces estaminets. Il eut peur, un instant, en y pénétrant. Il eut honte surtout. Il but un verre que son ami lui offrit, le premier de sa vie ; il fit d’autres connaissances qui lui offrirent aussi des verres qu’il but également et que suivirent ceux qu’il se crut obligé de payer ensuite. Bref ! il s’enivra de l’ivresse vulgaire de l’ouvrier désœuvré des villes ; il s’avilit et, en un seul soir, se ravala au niveau de la classe des ivrognes qu’il venait de connaître…

Il se réveilla, le lendemain, quand il était près de midi, la tête lourde et l’esprit engourdi. Un instant, il eut horreur de lui-même. Il sortit ; il rencontra de nouveau son ami, un malheureux débardeur sans travail pour l’instant, qui l’invita à renouveller la bambochade de la veille. Paul Duval résista ; mais il y avait l’ennui qui le guettait, là-bas, dans sa noire alcôve, et qu’il se rappelait avoir oublié, un instant, la veille, l’ennui qui le faisait souffrir avec ses pesants anneaux de fer… Ah ! s’étourdir alors ; ah ! oublier, ne fut-ce qu’un instant. Lui et son ami retournèrent à l’estaminet. Et Paul Duval roula de nouveau sous les tables.

Il y retourna le lendemain. Les jours suivants, quand l’ennui le prenait et qu’il avait peur de la solitude, le soir, il y allait encore…