Page:Potvin - L'appel de la terre, 1919.djvu/182

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bientôt d’une sublime horreur. Tout disparut dans les tourbillons de la poudrerie ; durant de longues heures, habitations, arbres, bêtes et gens furent perdus, enfouis, noyés dans des rafales effroyables et tout le ciel s’emplit des halètements furieux de la tourmente… Oh ! les tempêtes de l’hiver canadien, ceux-là seuls savent ce qu’elles recèlent d’horreur qui, dans la nuit et dans la solitude, à des lieues de toute habitation, sur des routes désertes, se sont trouvés ensevelis dans le tourbillon, paralysés par le froid et le vent, allant à l’aventure, à pieds ou traînés par de pauvres chevaux épuisés, aveuglés, ne marchant plus que la tête baissée, se laissant guider au petit bonheur, menaçant à chaque instant de s’abattre au fond d’abîmes de neige…

Et ce soir, dans la grande cuisine du père Duval, pendant que dans la large chaudronne la graisse pétille et roussit les croquignoles, et que le feu hurle dans le poêle sous les rafales violentes qui entrent par la cheminée, on pense aux malheureux qui, en ce moment, se débattent peut-être sur le chemin qui traverse les montagnes qui séparent Tadoussac et les Bergeronnes. C’est qu’il y en a eu déjà, des drames d’horreur sur cette route déserte où pendant des heures on ne rencontre que des arbres et des rochers…

Un instant, le vent hurle d’une façon si lugubre que la mère Duval, entre deux chaudronnées de croquignoles, ne peut s’empêcher de se jeter à genoux et de murmurer une fervente prière pour ceux que la tempête menace…

Vers dix heures le vent se calma. On ne l’enten-