Page:Potvin - L'appel de la terre, 1919.djvu/185

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

va voir au fourneau dans lequel mijote avec des glousglous joyeux un odorant ragoût ; puis, elle attise le poèle qu’elle bourre de trois grosses bûches de bouleau… ensuite, elle prépare la table pour le réveillon ; elle étend la nappe de toile du pays, range les couverts : celui du père, au bout ; ensuite, à droite, celui de la mère ; André sera à côté ; elle, Jeanne, vis-à-vis du jeune homme, tandis que Jean Thérien se placera entre elle et le père Duval. C’était à peu près comme cela, l’année dernière… oui… le père ici, la mère là… Ah ! non, à l’autre bout, vis-à-vis du père… il y avait… Ah ! c’est trop triste à penser. Jeanne Thérien songe à mettre le sixième couvert… quand même. Mais non, ça donnerait un trop grand coup au cœur des vieux, quand ils arriveront.

Jeanne a terminé sa tâche et elle entend la cloche tinter le sanctus de la messe.

« Si je disais le chapelet… » pensa-t-elle… « non, le rosaire. »

Elle pense au mille Ave Maria que les jeunes filles aiment à réciter, pendant la nuit de Noël, avec la grâce demandée et accordée si les Ave sont récités selon les conditions de la coutume… Jeanne Thérien saurait bien quelle grâce demander au Jésus de la Crèche. Mais il faut que les mille Ave soient dits avant la fin de la messe et elle n’aura pas le temps.

Mais le pieux usage a prévu le cas d’une jeune fille qui n’aurait pas le temps de réciter les mille Ave à cause… du réveillon à préparer ; la grâce demandée