Page:Potvin - L'appel de la terre, 1919.djvu/184

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

avec les Duval, et elle s’en irait avec lui après le réveillon…

La cérémonie poétique et mystérieuse se poursuit dans l’église des Bergeronnes remplie de lumière et de l’écho des vieux chants de la Nativité qu’égrènent sous ses voûtes des voix jeunes et fraîches. Tous les yeux sont pieusement fixés dans un coin du chœur ou s’élève la crèche rustique faite de jeunes sapins et de paille fraîche recouverts d’une légère couche de neige que la température ambiante n’affecte pas puisqu’elle est infusible, étant formée de pure et blanche ouate

Jeanne Thérien se sent bien seule dans la grande cuisine du père Duval ; un instant, elle est sortie sur le seuil de la porte et elle rentre aussitôt, effrayée du silence épouvantable qui pèse sur le village et sur toute la nature. Une grande envie de pleurer lui serre la gorge ; elle pense à tant de choses tristes ; elle pense à son bonheur envolé… avec les êtres chers, disparus, à l’avenir inquiétant, au sombre présent, au passé rose, quand fleurissait dans son cœur l’idylle fraîche de son premier amour… pauvre chère petite et innocente idylle au si triste épilogue. Longtemps, Jeanne Thérien rêve à toutes ces choses déprimantes, la tête appuyée au rebord de la table.

Mais elle se lève bientôt ; elle a trop peur de pleurer et elle ne veut pas paraître les yeux rougis quand ses gens reviendront tout à l’heure de la messe. Elle