Page:Potvin - L'appel de la terre, 1919.djvu/73

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

nes ; il saisit la bête au vol et la prenant par la queue, il la fait tournoyer au-dessus de sa tête puis lui brise le front sur le mont qui s’élève ici. Le démon n’était pas encore sans mouvement ; pourtant cette tête endurcie avait broyé la roche, faisant aux flancs du cap une large échancrure… Par trois fois l’impitoyable chasseur battit ainsi de la tête du monstre le grand mont blessé… Et voilà, mon fils, la raison de ces trois larges entailles que tu vois dans ce cap au sommet duquel, depuis, aucun arbre n’a poussé…

Ainsi parla Œil de Hulotte, puis, aux pieds du cap immense dont le dernier écho venait de répercuter la voix sonore du chef, le silence se fit. Le feu de sapins s’éteignit et les rèves vinrent bientôt errer sur ces grèves sauvages jetant l’oubli sur le merveilleux récit…

Le maître d’école avait cessé de parler et longtemps la jeune fille resta sous l’impression de son conte. Elle semblait écouter encore la voix métallique et incisive, la parole ardente et colorée du fils de Pierre Duval. Certes, l’accent était quelque peu rugueux et râpait des oreilles accoutumées plutôt aux mots mielleux susurrés dans les salons ; mais Paul avait une éloquence naturelle, un bonheur d’expressions que Blanche avait rarement surpris sur les lèvres des habitués des salons de sa mère…

La lune était déjà haute dans le ciel quand on fut de retour à Tadoussac.

Et comme le beau Vandry se plaignait de la fa-