Page:Potvin - L'appel de la terre, 1919.djvu/79

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pays saguenayen, le « ruban de la Vierge ». En passant dans un taillis, Paul Duval disait à la jeune fille que le cyprès du Saguenay, contrairement à la légende, n’est pas du tout funèbre ; ce cyprès n’est qu’un pin, le pin gris des rochers et il ne recouvre d’aucun voile de tristesse nos forêts du nord. Puis, venait dans le livre d’histoire naturelle de l’instituteur, le chapitre des herbes ; l’herbe à toutes sortes de choses :  l’« herbe à cochon », l’« herbe à puce », l’« herbe à coupures », l’« herbe à faire gratter », l’« herbe à dindes », l’« herbe à ouate », etc. Et la jeune Montréalaise, à ces naïves leçons de choses, riait à gorge déployée. Les « cocotes », ou petits cônes du pin et du sapin l’amusaient et elle ne rentrait jamais à la Villa sans en apporter de larges provisions.

Souvent, le soir, quand le vent ne soufflait pas trop fort, Paul empruntait une légère embarcation et Blanche et lui partaient en croisière dans la baie ou dans l’estuaire du Saguenay. Quelques coups d’aviron et le canot, après trois ou quatre coquets balancements de hanche, était déjà loin du rivage. Comme Blanche alors s’en donnait à cœur joie ; elle aurait voulu éterniser ces instants ; surtout quand la journée avait été chaude, c’était si bon la brise fraîche de la mer : elle remplissait avec délices ses poumons du salin vivifiant !

Un soir, comme ils étaient dans le canot, au milieu de la rivière, ils assistèrent au coucher du soleil. L’astre allait dans quelques minutes disparaître derrière un pic de la montagne, du côté nord de l’eau, et déjà