Page:Potvin - L'appel de la terre, 1919.djvu/81

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terre et suit l’eau, et cette senteur porte en elle une griserie exquise qui s’insuffle dans les veines et fait vibrer les nerfs de toute la force de sa volupté. Bientôt, enfin, une clarté monte du ciel et blanchit les berges, coulant partout de menus rayons dans la verdure sombre et sur les flots, et l’on dirait le Saguenay, la baie, le fleuve couverts de vers luisants qui dansent à la lune…

Le canot ne marchait plus qu’au gré du courant et Paul en avait abandonné les rames au fond. Blanche s’était pelotonnée, toute douillette, dans son manteau, et, un peu somnolente, elle avait cessé son babil. Alors elle aurait voulu poser sa tête sur la poitrine du jeune homme, écouter ses paroles, les mains dans les siennes, s’assoupir peu à peu au léger dodelinement du bateau, fermer ses paupières fatiguées d’avoir regardé trop longtemps le satin des cieux capitonné de clous d’or, et là, s’endormir….

Mais la cristallisation n’était pas encore complète ; la glace n’était pas rompue.

Jusqu’alors, en effet, dans toutes leurs longues conversations, les deux jeunes gens n’avaient pas encore osé parler d’amour ; pas un seul instant, ils ne s’étaient laissés encore bercer aux rythmes de l’éternelle chanson….

Paul Duval était, au chapitre de l’amour, aussi irrésolu qu’il était dans la recherche de la voie à suivre dans la vie où il était entré en hésitant. Il rêvait de joies futures qui seraient faites de confiance, d’affection et qui dureraient toujours. Alors, en un lointain