Page:Potvin - L'appel de la terre, 1919.djvu/94

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l’Île-aux-Coudres chercher l’abbé Compain pour m’ensevelir. Il vous attendra au bout d’en bas de l’Île. Ne craignez pas de partir quelque temps qu’il fasse. »

On crut à une plaisanterie du Père. Il partit. On attendit minuit avec anxiété ; l’heure approcha et voilà qu’au coup précis de ce minuit, la petite cloche de la chapelle se mit à tinter lugubrement dans le grand et solennel silence de cette nuit tragique. Les amis du Père, saisis de frayeur, coururent à la chapelle et y entrèrent. À la lueur de la lampe du sanctuaire, ils entrevoient dans le chœur, au pied de l’autel, la robe noire du missionnaire. On l’appelle ; point de réponse.

Le Père LaBrosse était mort.

La lugubre nouvelle se répandit par tout le poste et, dès le point du jour, tous les habitants envahirent la chapelle. On pria longtemps sur le corps du saint.

Pendant ce temps une tempête affreuse s’était élevée sur le fleuve. On se rappela que le Père avait dit d’envoyer un canot à l’Île-aux-Coudres chercher l’abbé Compain. Mais personne n’ose lancer un canot à la mer par ce temps épouvantable. Un officier du Poste se dévoua et demanda trois hommes de bonne volonté. Peu après un canot est lancé sur les flots en courroux et prend le large. Alors l’eau, aussitôt, s’aplanit sous l’embarcation pendant qu’autour la tempête redouble de fureur. Trois heures après, le canot arrivait à l’Île-aux-Coudres. Au bout d’en bas de l’Île, les hommes aperçurent l’abbé Compain qui se promenait en les attendant. « Le Père LaBrosse est mort, leur cria-t-il, et vous venez me chercher pour lui donner la sépulture ».