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la baie

mard, — et fondèrent la paroisse qui est aujourd’hui Saint-Alphonse.

Il en vînt d’autres également, dans la suite, mais uniquement en vue de la pinière. Ceux-là se construisirent, du mieux qu’ils pouvaient, en arrivant, en certains endroits autour de la Baie, comme à l’Anse-à-Benjamin et au Ruisseau-à-Caille, des maisonnettes de bois rond couvertes de feuilles d’écorce de bouleau, n’ayant, en avant, qu’une ou deux ouvertures étroites pour laisser passer la lumière du jour. Ils arrivaient ceux-là, généralement au prime automne et, dès les premières neiges, vers la Toussaint, commençaient leurs chantiers. Mais il fallait des moulins pour scier les billots de pin et d’épinette coupés dans ces chantiers. Aussi, en construisit-on deux à ma connaissance : l’un avec une écluse et des dalles sur la Rivière Ha ! Ha !, en arrière de Saint-Alphonse, et l’autre, au fond de la Baie, à l’Anse-à-Benjamin. L’un de nous autres, de Saint-Alexis, du nom de François Guay, surnommé « Caille », on a jamais su pourquoi, s’était tellement emmouraché d’un endroit du haut de la Baie qu’il voulait absolument y construire un moulin à eau sur un ruisseau qu’on appela ensuite le Ruisseau-à-Caille.

Comme vous voyez, toute la Baie et ses alentours s’animaient. On avait appelé notre « concerne », devenue un gros village, Saint-Alexis à cause d’Alexis Tremblay dit Picoté qui était le chef des Vingt-et-Un. Tous les dimanches, les gens des alentours s’en venaient chez nous ; et l’on s’amusait beaucoup ces jours-là. Le soir, on organisait des veillées de danses carrées et de chant au son des accordéons. Il y avait à l’Anse-à-Benjamin, un joueur sans pareil de cette musique-là. Il aurait pu fionner des gigues pendant toute une nuit sans souffler. À dix-sept ans, je menais un quadrille ou un « real » comme pas un des États du Vermont ou du Maine. Je savais même des gigues simples que j’exécutais à merveille sur un