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XI

Il vint un temps où, ma foi, j’eus honte de ma terre malgré tout le travail que nous nous donnions, ma vieille et moi. Je voyais avec une sorte de jalousie mes voisins prospérer. Les deux plus vieux garçons d’Alexis Tremblay agrandissaient à vue d’œil la terre que leur père, mort presque en même temps que le mien, leur avait laissée. Un autre des fils de Picoté était en train de devenir un des meilleurs cultivateurs du Grand Brûlé qui était une nouvelle paroisse établie au Saguenay et qu’on appelait aussi Notre-Dame de Laterrière. La terre de Louis Villeneuve, presque voisine de la mienne, était maintenant à peu près toute clôturée en fil de fer barbelé et je voyais les Villeneuve ambitionnés sans bon sens à embellir leur propriété. Moi, j’avais encore, partout, des vieilles clôtures de pieux de cèdre et même mon trécarré était encore clos en embarras de souches et d’aulnes. C’était une vraie honte à côté des clôtures de broche de mes voisins. Il en était de même des lots de feu Alexis Simard, de celui des garçons de Joseph Harvey et aussi de la terre de François Maltais dont le plus jeune des garçons, qui en était devenu le propriétaire, s’était construit une belle grange modèle sur les plans du gouvernement et avec, s’il vous plaît, un silo pour le fourrage vert.

À cette époque-là, tous les habitants de Saint-