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LE FRANÇAIS


VI


L’« Outaouais » dont la cheminée fume à gros tourbillons, s’est lentement détaché du quai de Kipawa. De chaque côté du bateau, les berges du lac Témiscamingue ont commencé à se dérouler comme deux rubans.

Le tumulte du départ s’est apaisé et les passagers ont choisi leur place aussi confortablement que possible, espérant pouvoir la garder pendant toute la durée du voyage. L’on aperçoit encore, en arrière, le quai de bois lézardé et ceux qui sont restés regardant le bateau s’éloigner et agitant de temps en temps à l’adresse de quelque passager le mouchoir de l’adieu. Entre les groupes des gens du quai il y a des tonneaux, des caisses, des rouleaux de fil de broche barbelée et des paquets de bardeaux de cèdre sur lesquels des femmes sont assises et que des enfants s’efforcent d’escalader. Le long du quai on peut voir encore les derniers wagons d’un train de bois qui se déroule comme un serpent le long de la côte du lac. La locomotive qui veut prendre son élan pour atteindre le plus tôt possible Matawa, crache par gros flocons la fumée noire, et le serpent de fer glisse dans un bruit strident de ferraille que l’on perçoit distinctement du pont de l’« Outaouais ». Ce train lourd et gémissant, parvenu à la jonction de Matawa, se dirigera soit à l’ouest, du