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LE FRANÇAIS

côté des provinces anglaises, soit à l’est, vers le « pays de Québec », ou les provinces maritimes pour y distribuer les bois précieux qui feront aux opulentes forêts du Témiscamingue une réclame digne d’elles.

Maintenant le quai de Kipawa ne forme plus qu’un point indécis à l’horizon du lac qui paraît fermé à cet endroit. Le bateau a pris l’allure qu’il gardera jusqu’à Ville-Marie, à sept heures de marche ; il file en droiture comme une flèche. La cheminée lance avec un râle lent et rythmique son jet de fumée continu. Le pont tremble sous une vibration intérieure causée par l’hélice qui, à l’arrière, bat l’eau furieusement. Le lac, calme en avant et des deux côtés du bateau, est agité derrière. Le sillage houleux que creuse l’hélice s’élargit sans cesse et donne lieu à une succession de petites vagues moutonnantes qui vont frapper les deux rives à la fois.

Il est neuf heures du matin et le soleil de fin d’août est déjà haut dans le ciel. La chaleur commence à l’emporter sur la fraîcheur du matin et de l’eau ; aussi, ceux qui, sur le pont avaient choisi au soleil une place pour le voyage, en recherchent maintenant une autre à l’ombre de la cheminée et des bouches de ventilation. L’air est d’un calme de cave et docilement la fumée de la cheminée suit le bateau en une traînée lente ; elle reste immobile longtemps dans l’air, forme une longue spirale noire qui blanchit, se dissout, pour se confondre au loin, à l’arrière, avec le ciel et l’eau.

Le lac Témiscamingue n’est qu’un élargissement de la rivière Ottawa. Les berges toujours visibles,