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Page:Potvin - Le Français, 1925.djvu/133

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LE FRANÇAIS

lointaine. Un instant, la colonne parut s’immobiliser, prise, sans doute, dans un « remous d’air ». Puis, l’on ne s’en inquiéta pas davantage, pour le moment. Les passagers de l’« Outaouais » se remirent à causer. Le bateau continuait sa marche régulière. Des deux côtés du lac, à présent, les bois s’inclinaient jusqu’au bord de l’eau. D’énormes flots verts se déroulaient en bosselages inégaux jusqu’à des surfaces où s’avançait la croupe de collines qui dominaient, à mesure qu’on avançait, des bandes blondes se perdant au loin dans une pâleur indécise. Il était midi et la lumière tombait d’aplomb sur la verdure du bord, la rayait de traînées d’émeraudes et jetait des taches d’or sur les mousses, au pied des massifs dont elle laissait le fond dans l’ombre.

Pendant qu’à l’avant du bateau, les femmes continuaient d’observer le feu de là-bas, Jean-Baptiste Morel cherchait à ramener la conversation interrompue dans le groupe dont il faisait partie. Enfin, après maintes tentatives indirectes, il interrogea brusquement le Frère :

« Et comme ça », fit-il, « le Père Péan n’approuvait pas trop vos projets de colonisation à la Baie-des-Pères ?… »

« Non », répondit sèchement Mayakisis, d’abord un peu distrait, « non… »

Mais il s’anima soudain. « Le père ne voulait pas me permettre pour un diable d’aller cultiver le fond de la baie. Et pourtant, mes enfants, nous crevions de faim à la Pointe-de-la-Mission où un petit morceau