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LE FRANÇAIS

bés qui braillaient dans les « bers » ou laissant leur lessive et la soupe sur les feux, vinrent également sur la lisière. L’on descendit des rangs les plus éloignés. Les uns arrivaient à pieds, au pas de course, les autres par groupes de quatre ou cinq, dans des « quat’roues » ou des charrettes.

Il était alors une heure et le soleil n’était plus qu’un disque que l’on distinguait à peine à travers la fumée. C’était presque la nuit, nuit étouffante de chaleur et de fumée, sinistrement éclairée des lueurs de l’incendie. L’on pensait d’abord que le feu qui dans le bois sec et serré, courait comme un imbécile, prenant dans sa liberté des airs de croquemitaine, allait s’arrêter, au bout de la forêt, faute de son menu ordinaire ; mais l’on fut bien vite fixé sur ses intentions destructrices. Il dévorait maintenant l’abatis comme il avait ravagé la forêt et comme il allait raser le champ d’avoine. Mais comment, à cette phase ultime du danger, conjurer le coup fatal ? Tout en ce moment crépite et roule dans le brasier ; sur un front d’à peu près un demi mille, la forêt s’écroule dans un mugissement effroyable exhalant des souffles consumant. Les hommes perdent la tête. L’on en vit qui, s’emparant de seaux et de chaudières, couraient au lac éloigné de plusieurs arpents, et puisaient de l’eau qu’ils venaient ensuite verser sur des tas d’abatis en flammes. C’était comme si l’on eut voulu faire monter le lac en y jetant quelques tassées d’eau au bout du quai. Quoi ! autant chercher à tuer un ours brun des Laurentides avec un tire-pois.