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LE FRANÇAIS

L’on tenta de former la chaîne des seaux, du lac au champ d’avoine à travers le village. Une quarantaine d’hommes se formèrent en file, le premier se tenant au bord de l’eau et le dernier près de la terre neuve. Celui du lac remplissait un seau qu’il passait à son voisin qui le donnait au troisième, celui-ci au suivant, ainsi de suite jusqu’au dernier qui en vidait le contenu sur le feu. L’on remettait les seaux vides aux petits garçons qui les descendaient à la course à l’endroit où on les remplissait. Le nombre des seaux de bois et des chaudières de zinc était suffisant pour occuper tous les bras, de sorte que la chaîne était ininterrompue. Le mouvement d’ensemble de ces hommes était devenu d’une régularité mécanique parfaite ; l’on eut pu croire qu’il ne devait jamais s’arrêter. Mais il prit fin bientôt. L’on réalisa que le travail était vain. Le feu continuait de plus bel à courir dans l’abatis à mesure que l’on arrosait ce dernier. L’on pensa que l’on réussirait plus vite à assécher le lac avec une pompe à bras qu’à éteindre ce feu par le moyen de la chaîne.

Un homme du village suggéra la tranchée. À ce moment, les premières flammes allaient atteindre le champ d’avoine, dernière étape avant de parvenir au village. L’on courut chercher dans le village toutes les pelles, les bêches, les pics et les pioches que l’on pouvait trouver et l’on se mit à creuser avec frénésie un large fossé au travers du champ à quelques pieds de la haie de branchages qui séparait ce dernier de la pièce de terre neuve en feu. Les hommes jetaient la