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LE FRANÇAIS

se faisait aussi beau qu’il pouvait : ses eaux miroitaient ainsi que des diamants ; au talus circulaire de l’étang, la mousse fraîche se déployait parsemée de fleurettes autour desquelles tournoyaient avec plus d’éclat que jamais des libellules ; on eut dit que les petits cœurs d’or des hédyotis bleues tremblaient plus fort et que les bermudiennes tentaient de dresser davantage leurs longs pédicelles ; les nénuphars, tapis près des rives herbues, allongeant tant qu’ils pouvaient leurs bras au fil de l’eau, semblaient vouloir présenter aux gais visiteurs leurs fleurs globuleuses.

La bande joyeuse s’installa au bord du lac en une minuscule prairie où poussait du foin bleu en abondance ; c’était un ancien défrichement abandonné par un colon. Les jeunes gens s’étaient empressés de dresser les tables faites de rudes planches de sapin posées sur des tréteaux et les jeunes filles, aussitôt, avaient étalé le contenu des paniers apportés des fermes. Ah ! quelle mangeaille en perspective ! Il y avait des assiettées pleines de tranches de jambon rose liserées de lard blond, des miches de beurre frais, des pâtés à la viande hachée menu, des bolées de cretons gras et de fromage de tête gélatinée, des pains couleur chocolat au lait faits de farine de blé mélangée de seigle, des tartes aux bleuets et des beignes de sarrasin noyées dans du sirop d’érable. Sur un feu que l’on alluma dans une minuscule enceinte de cailloux ronds, l’on fit infuser le thé noir qui fleurait bon la tisane et, dans une chaudière de zinc, se mirent à bouillir avec un grand bruit de glous-glous, plusieurs douzaines d’épis de blé-d’inde