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LE FRANÇAIS

tion maintenant se portait sur Jacques et le Français dont on réalisait la sourde rivalité. Une chicane !… ah quelle belle affaire !… semblait-on penser à la ronde. Mais pourvu que l’on ne se batte pas. Ce serait bête, ça.

La chicane souhaitée ne prit pas même les proportions bénignes que l’on désirait. À la réflexion gouailleuse et manifestement hostile de Jacques Duval, le Français répondit seulement, d’abord :

« …Mes raisons, monsieur ? C’est que tout simplement je préfère l’humble réchaud à la fournaise ardente… »

— Quelle fournaise ? demanda Jacques, sur un ton qui voulait amener les rieurs de son côté.

— Mais la ville, quoi ! riposta le Français. Je sais que vous rêvez d’aller vous y brûler les ailes.

— Ah ! fit Jacques un peu interloqué. Mais quand même ça serait vrai, c’est mon affaire, ça !…

— Assurément, chacun est libre de faire une bêtise. Libre à vous de poursuivre la chimère…

— Hein ?… qu’est-ce qu’il dit là ?… demanda plaisamment Jacques Duval, promenant son regard autour des tables, mais visiblement embarrassé devant l’assurance soudaine de son rival…

Oui, la glace était rompue. Léon Lambert, piqué par les allusions de Jacques, enhardi par le regard de Marguerite posé sur lui et dont il devinait l’approbation secrète, se montra tout à coup d’une éloquence qu’on ne lui soupçonnait pas. Lui, le timide, le gêné, le gauche, qui n’avait jamais dit mot, soit au travail,